Compte rendu de l’assemblée du 11 Juin

Participants

Coordination des intermittents et précaires (France), NuitDebout (Commission general strike, Commission political economy, Commission democracy), Sud Solidaire (France), Clap (Rome, Italy), Precarious Dis-connections (Bologna, Italy), Plan C (UK), Alt åt Alla (Sweden), Worker’s Initiative (Poland), Interventionistische Linke (Germany), activists from Scotland, Netherlands and Brazil.

Discussion

De la France à l’Europe

Un rapport concernant la mobilisation en cours a été fait par les camarades français à partir de la nécessité d’aller de France à l’Europe, afin d’exprimer le potentiel national du mouvement français, également en ce qui concerne aussi son caractère expérimental en terme de mise en connexions entre les mouvements sociaux et les organisations syndicales. La commission « grève générale » de Nuit Debout a été active ces derniers mois à exprimer les aspirations démocratiques de Nuit Debout sur le terrain des luttes et de la grève des travailleurs, des liens ayant été trouvés avec les syndicats et les salariés au-delà des manifestations organisées Place de la République. La difficulté à apprécier sur une base nationale et plus encore au niveau européen est de savoir comment construire un « nous », dans une situation où il n’y a pas de base idéologique partagée. La « commission économie politique » a souligné la nécessité sur les points communs entre les pays d’Europe en termes d’attaques à l’encontre des droits du travail et des droits sociaux. La CIP (Coordination des intermittents et précaires) a souligné que la mobilisation contre la loi travail avait été en mesure de faire converger différentes luttes, alors que la stratégie du gouvernement était de construire des divisions entre les catégories de salariés et les différentes revendications. Il a été également souligné que le projet de loi travail touchait aussi la transformation des systèmes de protection sociale (tel que la réforme des allocations chômages) ainsi que la « gestion » des mouvements de migration et étaient quelques uns des principaux instruments afin de provoquer des divisions au sein du salariat et renforcer le contrôle sur la force de travail. Dans ce cadre, la nécessité de dépasser les frontières nationales et les catégories professionnelles est cruciale, ainsi que la nécessité d’aller au-delà du simple monde de l’entreprise par le biais des organisations syndicales.

Faire grève en ces temps de précarité, qu’avons-nous en commun ?

Le projet de la loi travail est très semblable à d’autres lois entrées en vigueur en Europe durant ces dernières années. Même si dans chaque pays il existe des moyens spécifiques de l’institutionnalisation de la précarité, il existe une tendance commune en Europe qui pourrait être le point de départ de  notre initiative. Ce qui constitue un changement de perspective nécessaire, tout d’abord pour nous tous, qui avons été principalement engagés dans des mouvements et des organisations au niveau local ou national. Cela est particulièrement vrai pour les syndicats qui sont généralement collés au contexte national et aux catégories professionnelles et qui ont été sensiblement dépassés par l’accroissement de la mobilité et la précarité. La lutte pour la défense de la négociation nationale est révélatrice de cette de cette situation. Si l’on peut obtenir des résultats importants au niveau national, que faisons nous contre le fait que, par exemple, une bonne négociation collective en France peut signifier une baisse des salaires et des conditions de travail en Pologne ou ailleurs, le long de la chaîne de production, afin d’équilibrer la balance comptable ?

Les défis d’organiser des grèves parmi les travailleurs précaires sont nombreux : de nombreuses personnes changent de travail tout au long de leur vie, non seulement à l’intérieur d’une catégorie, mais le plus souvent au sein de tout un tas de secteurs d’emplois. A côté de cette mobilité d’un travail à l’autre, il se trouve une  extension de l’espace de mobilité : de plus en plus de migrants sont à la recherche de meilleures conditions de vie au sein de l’espace européen. D’une part, cela entraîne une fragmentation accrue : au sein d’une même entreprise, de nombreuses conditions différentes (contractuelles, temporaires…) coexistent. D’un autre côté, on peut voir que, dans cet accroissement des secteurs et des professions, dans l’éducation, la construction, la logistique comme dans le spectacle, la notion de travail devient de plus en plus abstraite, ce qui a comme signification  que les conditions particulières des travailleurs sont généralement tournées vers une totale disponibilité quant à leur travail. A côté de cela, tout ce que nous voyons est la fragmentation et les différences, il est clair qu’au sein des chaînes transnationales de production et de reproduction il existe une coordination, qui repose sur ces différences afin de maximaliser les profits. La question de trouver des points communs est également une question d’imagination : comment pouvons nous désigner cette nouvelle condition, qui soit efficace, et dans le même temps comme un ensemble de différences et une homogénéisation du travail ? Comment pouvons-nous inventer un récit responsable dans lequel les précaires, les migrants et les ouvriers peuvent se reconnaître ? Comment la plateforme vers une grève sociale transnationale peut devenir le cadre général au sein duquel différentes expériences d’insubordination et de refus d’exploitation peuvent trouver un point de référence commun ?

Une façon de produire cette identification et la convergence serait d’approuver certaines revendications communes, comme un salaire minimum européen et le bien être par une vraie sécurité sociale, le permis de séjour européen sans conditions. Cela nous permettrait aussi d’aborder les conditions politiques qui font que la précarité se généralise : le système de protection sociale est utilisé dans de nombreux pays ces derniers temps afin de faire en sorte que les salariés soient en situation de disponibilité totale quant à leur travail, peu importe l’état des conditions de travail ; le système de la contribution sociale devient un système financier qui produit un bon nombre de profits tandis que les salariés se précarisent ; de même que le caractère provisoire des permis de séjour pour les migrants place ces derniers dans une situation particulièrement précaires au sein du marché du travail. Les revendications doivent êtres comprises comme des outils pouvant être utilisés afin de produire des connexions entre les secteurs et les lieux de travail, rendant ainsi les différentes conditions de convergences autour de quelques questions clés communes.

 Point final 

 Vers la réunion d’octobre

 La réunion de Paris a été un premier échange de discussion dans le cadre de préparer une réunion plus importante de deux jours à Paris en octobre. Cette rencontre se veut comme un pas en avant en termes de participation et de l’élaboration de priorités et de pratiques communes. Il est également acté comme un lieu de rencontre concernant plusieurs thèmes qui sont en train d’essayer d’être organisés au niveau transnational : une réunion entre des travailleurs d’Amazon de Pologne, d’Allemagne et de France est ainsi prévue.

 Quelques idées concernant l’axe autour duquel peut se construire cette réunion ont été mises sur la table :

  • Revendications communes/ programme européen commun. Il a été souligné que la discussion concernant les revendications ne doit pas être séparée de la discussion au sujet des situations de travail. Etant entendu que comme « outils » à la fois pour l’organisation et contre l’isolement des travailleurs produit par les employeurs et les gouvernements, les revendications doivent être tout d’abord une « occasion » pour impliquer et organiser, plus que d’être diffusées en direction des  institutions.

  • Les chaînes transnationales, non seulement de la production, mais aussi de la reproduction. A part Amazon, au-delà aussi de la logistique, quels secteurs peuvent se sentir concernés ? Par exemple, les « juniors doctors » au Royaume Uni, les salariés des services de santé qui ont lutté en Suède, les salariés des « centres d’accueil » des migrants en Italie.

  • Nouvelles pratiques et formes de grèves.

La priorité est que chaque groupe/organisation puisse réfléchir localement 1) sur la manière de faire participer de nouveaux collectifs, des travailleurs, des syndicats pour cette réunion 2) à des propositions thématiques / ou axes de la réunion.

 Nous ne pouvons pas pour le moment lancer comme ça une proposition d’action pour cet automne, mais nous pensons néanmoins qu’il est important de faire un pas concret vers une transnationalisation de nos luttes en proposant d’une initiative européenne commune. Cela devrait être conçu non seulement vers un pas en avant concernant le 1er mars mais aussi une occasion pratique d’élargir le mouvement que nous observons en France en termes de coordinations transnationales et des liens avec des grèves et des convergences possibles avec d’autres luttes en Europe.

 Sur le document final

 A l’issue de la réunion, et comme proposé par la commission « économie politique » de Nuit Debout nous allons écrire ensemble avec les camarades français, un document signalant la nécessité d’exprimer le potentiel transnational de la mobilisation française. Il est vrai qu’à l’heure actuelle nous ne pouvons pas savoir comment le mouvement contre la loi travail va se poursuivre. La meilleure façon est aussi de réfléchir à construire des liens durables durant les luttes, au-delà du refus ou de la mise en place de la loi travail en elle-même. Dans cette perspective, il est entendu que le document produit sera un lancement concernant la réunion d’octobre. Un groupe de participants à la réunion va se charger de rédiger ce document et ensuite de le partager sur la liste mail de la coordination. Les choses seront finalisées lors d’une conférence Skype où il sera également décidé de la date finale de la Réunion.